Le statut du fermage est très protecteur pour le locataire. Aussi, mettre fin à un bail pour exploiter soi-même les terres dont on est propriétaire n’est pas une démarche simple. Il s’agit au contraire d’une opération complexe juridiquement qui nécessite de respecter un formalisme très rigoureux.
Il convient tout d’abord de rappeler certains principes du statut du fermage. Un bail rural est un contrat de location fait pour une durée minimum de 9 ans. Et ceci que le bail soit écrit ou verbal. Au terme de la durée initiale du bail, celui-ci ne s’arrête pas car le fermier a un droit automatique au renouvellement de son bail. Nous avons développé ce droit au renouvellement du bail rural dans notre article traitant de la vente des terres louées. Donc un bail rural d’une durée initiale de 9 ans, se poursuit tacitement de 9 ans en 9 ans. De même, le fermier a la possibilité de céder le bail à ses descendants. La procédure de cession du bail doit obéir à des règles strictes mais sauf faute du preneur, il sera très difficile au bailleur de s’y opposer. Aussi, un bail rural souscrit pour une période initiale de 9 ans peut se poursuivre presque indéfiniment, si le preneur cède son bail (avec l’accord du bailleur) à un descendant.
La loi (articles L 411-58 et suivants du code rural) a tout de même prévu la possibilité pour le bailleur (le propriétaire) de reprendre les immeubles objets d’un bail rural pour les exploiter lui-même.
Cette procédure est strictement encadrée par la loi et nous vous en faisons une présentation détaillée.
Tout d’abord, le congé doit obligatoirement être notifié au plus tard 18 mois avant le terme du bail (ou de son renouvellement) par acte d’huissier. Si vous adressez ce congé par LRAR, la procédure pourra être très facilement annulée.
Ensuite, le congé doit respecter un formalisme très strict en reproduisant des termes du code rural. Il devra préciser le nom et prénom du bénéficiaire de la reprise, son âge, son domicile et sa profession. Si le bien doit être exploité par une société dans le cadre d’une mise à disposition, le congé doit également en faire mention, ...
Le repreneur doit justifier avoir la capacité professionnelle d’assurer l’exploitation des terres agricoles.
Il existe 2 possibilités pour obtenir cette « capacité professionnelle » (article R331-2 du code rural) :
Avoir obtenu un diplôme agricole de niveau IV minimum, c’est-à-dire à minima, un Bac Professionnel Agricole ou un Brevet Professionnel de Responsable d’Entreprise Agricole (BPREA)
Ou justifier d’une expérience professionnelle de 5 ans minimum
Il faut noter que cette notion de compétence agricole est également nécessaire pour bénéficier du régime de déclaration au titre du Contrôle des Structures.
En effet, cette reprise est soumise à une simple déclaration préalable au titre du Contrôle des Structures, mais sous réserve de réunir plusieurs conditions :
Le bénéficiaire doit avoir la Capacité agricole
Le bien doit être libre de location au jour de la reprise
Le bien doit être détenu depuis au moins 9 ans par le bénéficiaire ou parent ou allié
Le bien doit être destiné à l’installation ou à la consolidation de l’exploitation si la surface de celle-ci n’excède pas le seuil de surface du Schéma Régional des Exploitations Agricoles
Si vous achetez des parcelles louées pendant le cours du bail et que vous souhaitez récupérer ces terres au terme des 9 ans, vous devrez donc obligatoirement obtenir une Autorisation d’exploiter. En effet, vous ne pourrez pas bénéficier du régime de la Déclaration car vous détiendrez ces terres depuis moins de 9 ans.
Le seuil de surface est défini par chaque région avec des équivalences selon les productions. Voici les seuils en vigueur en janvier 2022 :
| Région (hors DOM) | Seuil de surface SREA12 |
|---|---|
| Auvergne Rhône Alpes | 64 ha |
| Bourgogne Franche Comté | 3 zones : 75 ha - 110 ha - 140 ha |
| Bretagne | 20 ha |
| Centre Val de Loire | 114 ha |
| Corse | 60 ha |
| Grand-Est | 86 ha |
| Hauts de France | 60 ha |
| Normandie | 70 ha |
| Nouvelle Aquitaine | 77 ha |
| Occitanie | 67 ha |
| Provence Alpes Côte d'Azur | 85 ha |
| Ile de France | 137 ha |
Si le repreneur ne remplit pas toutes ces conditions, alors il devra déposer et obtenir une autorisation d’exploiter. Si les biens sont destinés à être exploités par une société, c’est elle qui devra solliciter et obtenir l’autorisation d’exploiter.
Cette Déclaration, ou demande d’Autorisation le cas échéant, se complète sur un formulaire administratif que vous pouvez télécharger sur le site de la Direction Départementale des Territoires et de la Mer de chaque département et doit obligatoirement être réalisée préalablement à la date de reprise.
Le bénéficiaire, qui prive le fermier d’une partie du foncier qu’il exploitait, s’engage à exploiter les biens pendant au moins 9 ans soit à titre personnel soit au sein d’une société. Cet engagement ne peut se limiter à un simple management de l’entreprise agricole car il devra participer aux travaux de manière effective et permanente et posséder le cheptel et le matériel nécessaire à cette exploitation. Il devra en outre occuper lui-même les bâtiments d’habitation du bien repris ou une habitation située à proximité directe de l’exploitation.
Attention, car le non-respect de cet engagement peut entrainer l’annulation de la reprise.
Opposition possible du preneurLe fermier en place peut s’opposer au congé s‘il se trouve à moins de 5 ans de l’âge lui permettant de percevoir une retraire à taux plein. Dans cette situation, le bail sera prorogé de la durée nécessaire et le fermier perd la possibilité de réaliser une cession de son bail à ses descendants. |
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Et le fermier peut bien entendu contester la validité du congé soit pour des conditions de forme soit pour des conditions liées au preneur. Il dispose également de la possibilité de saisir les tribunaux pour le non-respect des conditions d’exploitation pendant les 9 ans.
Il existe 3 autres motifs permettant au bailleur de donner un congés à son preneur :
Le preneur atteint l’âge de la retraite pendant le cours du renouvellement du bail
Changement de destination du fonds : le changement de classement des terres, qui deviennent constructibles, permet au bailleur de reprendre les terres pendant le cours du bail. Le formalisme est également très strict et prévoit de plus le versement d’indemnité au fermier pour compenser sa perte d’exploitation.
Faute du preneur
La procédure est donc très complexe pour reprendre un bien loué et nécessite de recourir à un professionnel du droit rural pour éviter tout risque de nullité. En effet, faute de respecter ce formalisme, le propriétaire peut ne jamais retrouver la libre disposition de son bien.