Votre projet d’achat de votre exploitation agricole ou de domaine viticole avance bien. Vous allez bientôt signer le compromis mais on vous a dit que la SAFER allait préempter et empêcher la réalisation de votre projet. Pas de panique ! Ce risque n’est pas si élevé et vous avez sans doute des solutions à mettre en place
Reprenons déjà les choses à la base pour comprendre le fonctionnement du droit de préemption et de la SAFER.
Le droit de préemption est un droit consenti à un organisme généralement public d’acheter un bien (de se substituer) à la place de l’acquéreur initialement prévu au contrat. Les communes bénéficient très souvent d’un droit de préemption sur des ventes immobilières ce qui leur permet de contrôler les transactions sur leurs communes.

La SAFER est un organisme privé mais doté d’une mission de service public par la loi. La SAFER est organisée en sociétés au niveau de chaque région française.
La SAFER bénéficie d’un droit de préemption qui lui a été octroyé à l’origine afin d’éviter la spéculation sur le foncier agricole et de limiter le prix des terres agricoles.
Ce droit de préemption s’applique uniquement sur les immeubles agricoles : terrains, bâtiments agricoles, maisons en zone agricoles, etc…
Chaque SAFER régionale dispose d’autres outils pour exercer sa mission mais le droit de préemption est celui qui suscite le plus de craintes.
Pour plus de détail, vous pouvez consulter la présentation réalisée par la SAFER elle-même.
Lorsqu’un compromis de vente est signé pour des immeubles agricoles, le notaire va alors adresser une notification à la SAFER précisant les modalités de la vente : le vendeur, l’acheteur, la désignation des biens vendus, le prix de vente, …
Elle dispose alors d’un délai de 2 mois pour agir. Si au terme des 2 mois, il ne s’est rien passé, ceci signifie que la SAFER ne préempte pas.
Pendant ces 2 mois, la SAFER va instruire le dossier. Elle le transmet au conseiller foncier local qui examinera le projet de vente, regardera les prix pratiqués au regard des usages, regardera si d’autres acquéreurs peuvent être intéressés, s’ils sont prioritaires, les contactera …. Après examen, le conseiller s’il pense préempter, soumet le dossier à une Comité Technique qui prendra alors la décision de préempter ou non.
Oui, lorsque la SAFER préempte, elle ne le fait pas contre un candidat mais pour favoriser un autre candidat prioritaire.
Une des missions de la SAFER est de favoriser l’installation de jeunes agriculteurs et la transmission des exploitations agricoles.
Les ordres de priorité sont définis par la Loi et par la réglementation régionale. En effet, chaque région détermine un Schéma Directeur des Régional des Exploitations Agricoles. C’est ce document qui détermine les priorités du Contrôle des Structures. La SAFER préempte si elle considère qu’un acquéreur prioritaire devrait acquérir le bien plutôt qu’un autre.
Une fois que la SAFER a notifié au notaire sa décision de préempter, elle va alors rechercher des candidats à l’attribution du bien. Elle fait une publicité officielle sur le bien. Toute personne intéressée peut se porter candidat en complétant un dossier de motivation.
Le technicien foncier en charge du dossier va alors synthétiser les dossiers de candidature, faire le point sur les modalités de financement et transmettre le dossier à un Comité Technique qui donnera un avis sur la rétrocession. Cette décision est ensuite transmise au Conseil d’Administration qui prend une décision.
Les commissaires du Gouvernement, représentants de l’État, valident ensuite les décisions prise par le Conseil d’Administration. Les commissaires du Gouvernement sont des représentants des ministères en charge de l’Agriculture et des Finances.
A noter que lorsque la décision de préemption est notifiée au vendeur, ce dernier ne peut pas retirer son bien de la vente. Il est alors obligé de poursuivre la vente mais au profit de la SAFER
Oui, les décisions de préemptions et de rétrocessions sont des décisions administratives qui peuvent faire l’objet de recours judiciaires.
Il existe d’ailleurs de très nombreux cas de contentieux à l’encontre des décisions de la SAFER avec des issues favorables ou défavorables.
Le Comité Technique de la SAFER est constitué de représentants de différentes organisations représentés dans 3 collèges différents :
Les organisation agricoles : Chambre d’agriculture, syndicats agricoles représentatifs (FDSEA, Jeunes Agriculteurs, Confédération Paysanne, Coordination Rurale, …), banques et assureurs mutualistes
Les collectivités publiques : conseils régional et départementaux, associations de maires, …
Autres : Agence de service de Paiement, associations de protection de l’environnement, syndicats de propriétaires fonciers et forestiers, chambre des notaires, …
La présence de représentants agricoles au sein de la SAFER permet aux techniciens fonciers de disposer d’un relais important d’informateurs dans les campagnes.
Lorsque la SAFER considèrent qu’une transmission se fait à des prix anormaux au regard du prix du marché, elle peut décider de préempter avec révision de prix.
En pratique, elle notifie au notaire qu’elle souhaite préempter mais à un prix inférieur à celui prévu dans le compromis de vente. Elle doit justifier sa décision en prouvant que le prix envisagé est au supérieur aux prix moyens pratiqués.
Mais elle ne peut pas imposer ce prix au vendeur. En effet, le vendeur dispose alors d’un délai de 6 mois pour prendre sa décision. Il a 2 options :
La SAFER se rémunère par des honoraires qui viennent majorer le prix d’achat pour le bénéficiaire de la rétrocession.
Mais pour éviter de trop faire monter la facture, les opérations réalisées par les SAAFER sont exonérées de droits d’enregistrements.
Selon les chiffres de la SAFER, en 2020, la SAFER a réalisé 1 240 préemptions soit seulement 0,4% des 322 400 projets de vente qui lui ont été notifiés ! Le risque d’une préemption est donc en réalité très faible.
Si vous achetez une exploitation agricole, une propriété équestre, un domaine viticole, … comprenant à la fois des bâtiments, des terres, une maison, … le risque de préemption est faible car la SAFER trouvera assez difficilement un acquéreur concurrent et prioritaire.
Si votre achat porte uniquement sur quelques hectares de foncier, le risque de préemption sera plus important car de nombreux agriculteurs voisins risquent d’être intéressés par ces parcelles.
Un des meilleurs moyens pour éviter la préemption de la SAFER est de connaitre le contexte local. Contactez la SAFER, présentez-vous et argumentez sur votre projet. Le technicien local pourra peut-être vous indiquer comment monter votre projet et gagner des places dans l’ordre des priorités.
D’ailleurs, c’est même souvent le technicien foncier de la SAFER qui contacte l’acquéreur d’un bien avant même la notification pour l’informer qu’elle envisage une préemption sur le dossier.
Vous pouvez également prendre contact avec vos potentiels concurrents locaux et essayer de trouver un arrangement pour qu’ils ne se portent pas candidats.
Si un projet vous échappe, vous aurez très probablement de nouvelles opportunités dans les mois et les années à venir. En effet, de très nombreux agriculteurs vont arrêter leur activité dans les années à venir libérant ainsi de nombreuses exploitations et parcelles de foncier.