Agricole   

Peut-on vendre des terres louées ?

Publié le January 20, 2022 par Bernard Charlotin
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Peut-on vendre des terres louées ?

Vous possédez un terrain agricole loué et que vous souhaitez vendre. La situation, bien que très courante, est malgré tout assez complexe : Décryptage. 

Le droit au renouvellement du locataire 

Ainsi, dans le cadre d’un bail rural, le contrat a une durée minimale de 9 ans et le fermier bénéficie d’un droit automatique au renouvellement du bail. 

Il faut tout d’abord faire un point sur les droits de votre locataire, le fermier. Le code rural est très strict (article L 411-1 et suivants) et la majorité des dispositions du contrat de location sont prévues par la loi sans possibilité d’y déroger. 

terres foncier

 

 

Même s’il n’est pas écrit, le bail (payant) qui porte sur un bien agricole est un bail rural (on parle alors de bail verbal) soumis aux mêmes règles de durée et de renouvellement. Une difficulté résidera toutefois dans l’incertitude sur la date de démarrage du contrat, nous le verrons plus tard. 

Contrairement aux baux d’habitation, le souhait de vente du bien par le propriétaire, ne lui permet pas de s’opposer au renouvellement du bail. 

En tant que propriétaire vous avez donc plusieurs options :  

  • Vendre le bien loué 

  • Vendre le bien à votre fermier 

  • Vous opposer au renouvellement du bail pour vendre le bien libre de location 


Des possibilités de s’opposer au renouvellement du bail 

Ce droit au renouvellement n’est pas universel et certaines circonstances peuvent vous permettre de vous y opposer :  

  • Non-respect des conditions d’exploitation et d’habitation par le fermier 

  • Le fermier atteint l’âge de la retraite 

  • Reprise du bien pour y construire une habitation 

  • Reprise du bien pour l’exploiter soi-même ou par son conjoint ou ses descendants  

Lorsque le fermier atteint l’âge de la retraite, vous pouvez lui donner congés à la date d’expiration du bail ou au bout de 3 ans dans le cas où le bail est renouvelé. 

Exemple : Le bail est arrivé à son terme le 31 décembre 2021 et a été renouvelé. Le fermier atteint les 62 ans au cours de l’année 2023, Le bailleur pourra donc demander le non renouvellement du bail pour le 31 décembre 2024, 2027, 2030, … 

Attention : Pour s’opposer au renouvellement du bail, le propriétaire doit respecter un formalisme très strict : notifier au fermier sa décision par acte d’huissier au minimum 18 mois avant le terme de ce bail. L’intervention d’un professionnel du droit rural est conseillée pour éviter toute erreur. Encore plus lorsqu’il s’agit d’un bail verbal ou la date de démarrage (et donc de fin) est difficile à prouver officiellement. 

La reprise pour exploiter le bien fera l’objet d’un article spécifique très prochainement. 

 

La cession du bail 

Mais ce n’est pas non plus parce que votre propriétaire arrive à l’âge de la retraite que vous pourrez mettre un terme au bail.  

Le fermier dispose en effet de la possibilité de céder le bail à son conjoint ou à ses descendants.  

Votre accord est toutefois nécessaire. Si vous n’êtes pas d’accord pour cette cession, votre fermier pourra alors saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour obtenir cette autorisation. Sauf mauvais entretien, retard répété de paiement, …, bref des fautes qui sont imputables au fermier dans la vie du bail, le Tribunal autorisera le plus souvent la cession de ce bail. 

 

Vendre le bien à son fermier 

Votre fermier bénéficie d’un droit à renouvellement de son bail et d’un droit de cession à ses descendants. Rien n’oblige toutefois les 2 parties à maintenir la location s’ils ne le souhaitent pas. 

Vous pouvez parler à votre fermier de votre projet de vente. Si vous trouvez un accord sur les modalités de l’achat, vous pouvez à n’importe quel moment du bail ou de ses renouvellements signer une convention de résiliation amiable entre vous et réaliser la vente. 

A noter, d’ailleurs que si le bail a plus de 2 ans d’ancienneté, le fermier bénéficiera de droits d’enregistrement réduits lui permettant de réduire sensiblement les frais d’actes (une économie de plus de 5%). Et la SAFER ne bénéficiera pas d’un droit de préemption si le bail a plus de 3 ans car dans cette situation les droits du fermier sont prioritaires sur ceux de la SAFER. 

Vous pouvez également proposer à votre fermier une résiliation amiable du bail accompagné en contrepartie d’une indemnité de résiliation. Libre à lui d’accepter ou pas. S’il accepte, vous pourrez alors rechercher un acquéreur avec un terrain libre de location. 

 

Vendre le bien avec un fermier en place 

Si vous n’avez pas trouvé d’accord avec votre fermier, vous pouvez toutefois toujours chercher un acheteur. 

Ce pourra être un investisseur : une personne qui achète le foncier agricole comme un placement et qui souhaite percevoir des fermages.  

Ou alors un futur exploitant : un acquéreur qui demandera le non-renouvellement du bail à son terme pour l’exploiter lui-même. Compte tenu des délais d’acquisition et des délais de notification du congé, ce futur propriétaire devra démarrer son projet longtemps avant le terme du bail. 

Le fait que le bien soit loué a une incidence sur le prix de vente. Le prix subit en effet une décote moyenne de 20% (cf. le prix des terres louées en France) qui s’explique par le plus faible nombre d’acquéreurs potentiels et par le montant des fermages relativement faibles au regard des valeurs du foncier agricole. 

Autre point important, votre acquéreur reprend le bail avec toutes ses conditions. Il ne sera pas possible de modifier le bail sans l’accord du fermier, sauf dans la situation ou le fermage est excessivement bas par rapport aux usages. Le nouveau propriétaire pourrait alors saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour demander une revalorisation. 

 

Le droit de préemption du fermier 

Votre fermier vous a indiqué qu’il ne voulait pas acheter le terrain agricole dans les conditions que vous lui proposiez. Vous avez cherché et trouvé un acquéreur pour vos terrains.  

Vous devez quand même informer votre fermier des conditions de la vente car il bénéficie d’un droit de préemption.  

Le notaire va donc notifier la vente au fermier qui disposera alors de 3 options :  

  • Exercer dans les 2 mois son droit de préemption aux conditions prévues dans l’acte 

  • Saisir le Tribunal Paritaire des Baux Ruraux pour demander de fixer un prix de vente différent. Le Tribunal nommera alors un expert chargé d’expertiser et évaluer les biens. Chacune des parties peut ensuite accepter ou refuser le résultat de cette estimation. 

  • Accepter la vente projetée par le bailleur avec maintien du bail en place. Ce sera la situation par défaut en l’absence de réponse de sa part dans un délai de 2 mois. 

Attention, une modification même infime des conditions de la vente nécessite de relancer la procédure de notification du droit à préemption. 

Les ventes dans le cercle familial et les donations ou successions n’ouvrent pas le droit de préemption du fermier. 

Il existe toutefois une exception à ce droit de préemption. Le preneur n’en bénéficie que s’il est propriétaire lui-même une surface de foncier inférieure à 3 fois la Surface Minimum d’Installation. Cette surface est définie au niveau de chaque département. 

Le fermier qui exerce son droit de préemption a l’obligation d’exploiter le bien pour une durée minimale de 9 ans. 

 

Un investissement attractif malgré la complexité juridique 

Au regard des droits du fermier, si vos relations ne sont pas bonnes, il vous sera peut-être difficile de trouver un acquéreur qui acceptera ces complexités juridiques. 

Pourtant, l’investissement dans le foncier agricole est de plus en plus prisé et recherché par des investisseurs. 

En effet, depuis plusieurs années les taux d’intérêts sont très faibles. Cette baisse de rentabilité a redonné de l’attrait à l’investissement agricole. Les fermages représentent en effet en France entre 1 et 5% de la valeur du foncier. De plus, depuis 30 ans, la valeur du foncier a progressé très fortement. 

La terre agricole est donc un placement attractif d’autant plus qu’un bail à long terme permettra d’obtenir des avantages fiscaux en cas de donation, succession ou au titre de l’Impôt sur la Fortune Immobilière. 

 

En résumé

Nous vous conseillons donc, si vous souhaitez vendre votre terrain agricole loué, de prendre contact avec votre fermier pour lui proposer l’achat. 

En cas de refus d’achat par votre fermier, vous pouvez lui proposer une résiliation amiable de votre bail pour mettre en vente un terrain agricole libre. 

Puis, publiez votre annonce sur ma-propriete.fr dans la catégorie foncière : « terres agricoles libres » ou « louées » selon la situation.